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Discours lyriques, réception en grande pompe, délégation pléthorique, pluie de contrats commerciaux. Rien n’a été négligé, de part et d’autre, lors de la visite d’Etat d’Emmanuel Macron à Rabat, du lundi 28 au mercredi 30 octobre, pour mettre en scène la grande réconciliation entre la France et le Maroc, après trois ans de brouille, liés notamment à la restriction drastique du nombre de visas délivrés par Paris et aux gestes mémoriels du président français à l’égard de l’Algérie.
M. Macron, en proposant au roi Mohammed VI, mardi, devant le Parlement marocain, d’inscrire les deux pays dans un « nouveau cadre stratégique » afin de répondre ensemble « aux défis du XXIe siècle », a placé très haut la barre de ses ambitions. Un texte dans ce sens pourrait être signé en 2025 à Paris lors d’une visite royale, à l’occasion du 70e anniversaire de l’accord qui, en 1955, avait ouvert la voie à l’indépendance du Maroc, l’année suivante.
Logiques et bienvenues, les retrouvailles franco-marocaines traduisent le choix de Paris d’un rapprochement avec un pays aux multiples atouts potentiels aux yeux de la France, à la fois théâtre proche propice à la relocalisation de la chaîne de valeur en matière énergétique, industrielle, alimentaire et sanitaire, plateforme de projection vers l’Afrique et zone de redynamisation pour la francophonie. Entre les ambitions d’un Maroc tourné vers l’avenir et un régime algérien arc-bouté sur le passé, l’option paraît évidente. Elle sanctionne pourtant un échec, celui de la stratégie d’Emmanuel Macron visant la réconciliation mémorielle avec Alger et la nécessaire normalisation avec l’ancienne colonie.
La fin du désamour avec Rabat, les 10 milliards d’euros de contrats signés, les nouveaux projets de coopération et la perspective hypothétique d’une meilleure coopération en matière de réadmission des Marocains expulsés de France, ont d’abord pour prix le revirement français sur la question sensible du Sahara occidental. En reconnaissant, le 30 juillet, la « souveraineté marocaine » sur l’ancienne colonie espagnole, en réitérant solennellement cette position, mardi, devant les députés marocains, M. Macron a offert une retentissante victoire diplomatique à Mohammed VI et infligé un revers cinglant au président algérien Abdelmadjid Tebboune, dont le pays soutient historiquement les indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
Surtout, il s’est placé en contradiction avec le traditionnel respect par la France des positions des Nations unies. Tandis que celles-ci exigent l’organisation d’un référendum d’autodétermination, le « plan d’autonomie » du Maroc ne prévoit qu’un vote confirmant sa souveraineté.
En réalité, Paris n’a aucun intérêt à négliger l’Algérie, un partenaire essentiel, aussi bien sur le plan humain que dans les domaines migratoire, économique et sahélien, ni à tout miser sur le Maroc, un pays à la gouvernance parfois erratique, à l’oligarchie prédatrice, fragilisé tant par ses inégalités sociales abyssales que par la menace du stress hydrique. Dans le contexte de rivalité exacerbée entre les deux voisins, M. Macron aura du mal à faire admettre à Alger, comme il l’a dit mardi à Rabat, que la position française « n’est hostile à personne ». Loin de la position stable qu’elle revendique, le risque pour la France serait d’être emportée par son mouvement de bascule et de rompre le nécessaire équilibre de ses relations avec les frères ennemis marocain et algérien.
Le Monde
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